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Du « #metoo » au retour de bâton.





Le 14 Février 2023, par Nicolas Lerègle

La lecture de Courrier International est rarement l’occasion de voir une fenêtre s’ouvrir sur un monde différent. Et pourtant c’est ce qui est arrivé ce samedi 4 février en découvrant un article d’un journal singapourien « the Strait Times » relatant le cas d’un homme faisant un procès à une femme qui aurait refusé ses avances.


Du « #metoo » au retour de bâton.
En résumé, ils se rencontrent en 2016 et, jusqu’en 2020, sont amis. « En septembre 2020, les problèmes apparaissent lorsqu’ils ont commencé à ne plus avoir la même vision de leur relation ».

Elle lui signifie qu’il lui faut prendre ses distances, mais reçoit deux jours plus tard une mise en demeure, « la menaçant de poursuites judiciaires pour “dommages pécuniaires résultant de l’infliction par négligence d’une détresse émotionnelle et d’une éventuelle diffamation”». C’est beau comme l’Antique surtout qu’il réclame 2 millions d’€ de dédommagements !

La jeune femme accepte alors des séances de conciliation, pensant « que cela l’aiderait à accepter sa décision de ne pas poursuivre une relation amoureuse ». Un an et demi plus tard, en avril 2022, elle décide d’arrêter ces rendez-vous et d’entamer une procédure pour harcèlement. Sauf qu’en juillet 2022, c’est lui qui porte plainte, estimant avoir « subi un manque à gagner sur ses revenus et ses partenariats commerciaux, ainsi que des frais engagés dans des programmes de réadaptation et de thérapie pour surmonter le traumatisme».

Le jugement est pour bientôt.

Cet entrefilet est intéressant à plus d’un titre.
A titre personnel je m’interroge, aurais-je poursuivi Cyndi C, Claudia S, Eva H ou Naomi C si, hypothèse hautement improbable, elles s’étaient refusées à moi ? Évidemment non, à l’époque, mais aujourd’hui ?

Plus généralement il est intéressant dans une société où le féminisme s’impose de plus en plus comme une volonté égalitariste vis-à-vis des hommes de voir que commencent à poindre des retours de bâtons. Évidemment celui-ci prête à sourire et peu imaginent, qu’en France, aujourd’hui, et « aujourd’hui » est peut-être le mot important, une telle action puisse perdurer. Mais, s’il y a 10 ans on avait expliqué que l’on verrait fleurir des personnes non genrées, non binaires, changeant de sexe comme de chemise, prédisant un homme enceint ou ajoutant au LGB des années 90, un T, un Q, un + histoire de faire bonne mesure et aboutir au LGBTQQIP2SAAP associant tout ce qu’il est possible d’imaginer, qui l’eut cru ?

Les mouvements féministes et autres #metoo ont porté un imaginaire où l’homme était nécessairement un prédateur et la femme sa victime. Ils ont cherché par cela à promouvoir une égalité des sexes qui aurait été fondée sur une contrainte sociale, voire médiatique.
Ces mouvements ont rencontré audience médiatique et succès communautaires, pour autant ils ont contribué à modifier les rapports hommes/femmes d’une façon qui ne sera pas sans laisser de traces.

Des modifications positives ont été apportées, le regard porté sur les violences conjugales et la volonté de voir crever les plafonds de verre qui existaient et existent encore dans de nombreuses entreprises ou secteurs d’activités. Nous ne sommes pas encore à la perfection de ce point, les départs des directrices générales d’Engie et très récemment d’Eurazeo ne sont pas que les arbres qui cacheraient la forêt de l’égalité. Quant aux violences conjugales, de timides avancées sont réalisées, mais beaucoup reste encore à faire. On peut étendre le propos à la lutte contre l’homophobie, le racisme et autres pratiques discriminatoires.

Des évolutions négatives peuvent aussi être mentionnées. La « cancel culture » ou le « wokisme » ont tracé leur chemin et ont de plus en plus d’adeptes. Les relations entre sexes sont empreintes de méfiance et de défiance. Certaines affaires récentes touchant nos politiques, car ce sont les plus exposés aux retombées médiatiques, ont montré qu’il va être de plus en plus difficile de danser un slow ou un rock sans risquer une plainte pour agression ou attouchement. Et si des réveils pour dénoncer des comportements inacceptables peuvent se comprendre, le fait que cela se fasse 10 ans voir plus, après les faits ne peut pas manquer d’interroger. Plus insidieux la montée en puissance de mouvements « masculinistes » qui cherchent à contrecarrer les tendances égalitaristes de la société.

Le procès entre J Depp et A Heard en a été une troublante expression avec un déchainement des réseaux sociaux de cette mouvance pour argumenter la défense de Johnny contre les accusations d’Amber. Cela aussi est peut s’apparenter à un retour de bâton du #metoo.

L'actualité singapourienne évoquée en préambule est, à ce stade, un épiphénomène qui peut, encore, prêter à sourire. Toutefois, elle est le miroir d’un mal-être et d’une évolution des mœurs qui ne peut que satisfaire ceux, nombreux, qui pensent que l’amitié homme/femme est une illusion ou qui jugent qu’une société « masculiniste » doit être la norme. Ce qui ne doit pas, en tout cas, prêter à sourire c’est que le féminisme s’est développé dans des sociétés qui prônaient, sur le principe, une égalité entre hommes et femmes et qu’il est très absent des pays dans lesquels la situation des femmes est tout sauf enviable.

Cela n’est pas sans me rappeler la formule de Mitterrand lors de la crise dite des SS20 et des Pershing au début des années 80 « les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles sont à l’Est », jolie formule parfaitement transposable et qui devrait faire méditer. La victoire du féminisme ne passera pas par l’outrance, la culpabilisation à outrance et les excès verbaux d’une Rousseau ou d’une Alice Coffin qui ne peuvent faire que lit d’une réaction masculine en réponse.

Sacha Guitry avait-il tort ou raison quand il disait « je conviendrais bien volontiers que les femmes nous sont supérieures, si cela pouvait les dissuader de se prétendre nos égales»?

Réponse quand le jugement sera rendu.
 




1.Posté par Erick le 14/02/2023 10:22 | Alerter
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Quelle belle évocation d’une relation de plus en plus complexe et en constante mutation en ce jour de Saint Valentin !

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